Nous sommes en 1954 aux Etats-Unis, des chercheurs en psychologie du comportement décident de mener une expérience sociale inédite. Ils réunissent de jeunes garçons de 11-12 ans de même typologie sociale, dans un camp de vacances d’été nommé La Caverne des Voleurs, d’où le nom donné ensuite à l’expérience.
L’expérience s’est déroulée en 3 phases.
- Création d’équipes soudées
- Mise en compétition de ces deux équipes
- Incitation à la coopération entre les équipes
1. Création d’équipes soudées (5-6 jours)
Les jeunes ont été regroupés en deux équipes d’une douzaines d’enfants, qui ignoraient qu’il existait un autre groupe. Durant la première semaine, les chercheurs ont mis au point de nombreuses situations qui ont contribué à faire naître un fort sentiment d’appartenance au sein des équipes, de la convivialité et de l’entraide. Activités amusantes, sportives, natation, randonnée, création de drapeaux, choix de noms d’équipes et d’emblèmes, etc.
Résultat : des groupes soudés (les aigles d’un côté, les serpents à sonnette de l’autre), émergence de leaders naturels, développement de liens d’amitié, d’habitudes et de culture commune.
2. Mise en compétition de ces deux équipes (4-5 jours)
Dans cette deuxième phase, les deux groupes ont été réunis dans un même camp et ont été mis en compétition lors d’activités pour lesquelles il y avait remise de prix, de trophées: matchs de baseball, tirs à la corde, etc.
Résultat : la violence et la hargne ont été au-delà des attentes des chercheurs qui ont même dû mettre fin prématurément à cette phase, tant la rivalité était forte entre les deux équipes, y compris en dehors des activités. Insultes, refus de manger ensemble, bagarres, drapeaux brulés, etc. Il faut dire que les chercheurs ont intensifié l’effet de haine en poussant à des sabotages de tentes d’un camps vers l’autre.
3. Incitation à la coopération entre équipes (6-7 jours)
Dans cette phase, les chercheurs ont voulu recréer des liens positifs entre les deux équipes.
D’abord via des activités communes neutres : regarder un film ensemble, grande collecte de haricots, tirer une grand feu d’artifice ensemble. Ces activités n’ont pas contribué significativement à souder les deux équipes, encore très remontées les unes contre les autres.
Ensuite avec la mise au point de situations d’un autre genre : arrêt total de l’approvisionnement en eau du camp avec mise en cause par les chercheurs de vandales situés hors du camp et réparation collective du robinet détérioré. Les jeunes durent également unir leurs efforts pour secourir un camion coincé dans la boue “accidentellement” à proximité du camp, etc.
Résultat : au fur et à mesure de cette phase, les tensions se sont considérablement apaisées entre les groupes et les repas ont pu être pris en commun par exemple, avec groupes mélangés.
Ce qu’on retient de cette expérience
- Le sentiment d’appartenance mis en œuvre grâce à des ingrédients clefs créé des liens très forts de solidarité et d’entraide au sein d’un groupe.
- La mise en compétition de deux clans conduit à générer agressivité, violence, et haine entre les deux groupes.
- La rivalité entre deux groupes peut évoluer vers de la coopération face à des challenges communs, face à un ennemi commun.
- On peut changer le scénario. On peut choisir la coopération plutôt que la compétition.
Pour aller plus loin et en savoir plus sur cette expérience et son analyse :
La coopération : un des remèdes des maux de l’humanité
Dans l’expérience précédente, on a constaté que c’est la mise en compétition des deux clans qui a conduit à générer agressivité et violence. En extrapolant à nos société, on peut commencer à voir comment la mise en compétition entre individus et groupes, omniprésente et ultra valorisée, contribue, y compris de façon invisible et insidieuse, à diffuser des sentiments de rejet de l’autre, de défiance, à ancrer le plaisir ressenti quand l’autre perd.
Heureusement, l’expérience de la Caverne des Voleurs montre également que si la compétition est la source des maux, la coopération peut en être le remède.
Pour construire une société de paix, repensons nos petites habitudes pour vivre et faire vivre plus coopération et limiter la compétition
Nous sommes acteurs de nos vies, de nos sociétés : ce que l’on nourrit grandit. Et si nous faisions des choix qui orientent le monde vers plus de coopération ? L’effet de bascule est réel et constitue un vrai espoir pour l’avenir !
En plus, vivre de la coopération et des réussites collectives est une espace de joie immense et de grande satisfaction personnelles. C’est juste peu commun et encore trop peu développé dans nos sociétés, mais ça viendra : creusons ce sillon pour que, aujourd’hui chemin de traverse, il devienne le chemin principal et évident pour tous !
Il ne s’agit pas de ne plus jamais faire d’activités de compétition, mais de tendre vers un meilleur équilibre et de permettre aux activités de coopération de se développer dans nos espaces et de vie et dans nos sociétés.
Activités en entreprise
Envie de créer un moment de team building d’entreprise pour vos collaborateurs ? Attention aux activités qui proposent des challenges d’équipes contre équipes ! Certes vous renforcerez les liens entre certains collaborateurs mais vous allez aussi nourrir des tensions, des ressentiments et de la rivalité entre d’autres : est-ce vraiment ça que vous voulez pour votre structure ?
On vous conseille de privilégier des activités coopératives : un escape game, l’enregistrement d’une chanson tous ensemble, la création artistique collective, les défis collectifs où l’ensemble du groupe doit atteindre un nombre de points global, les défis qui poussent à s’entraider, à tous réussir une même épreuve.
Vous faites appel à une entreprise qui organise cela pour vous ? Posez lui des questions sur les défis, les objectifs, et amenez là à réorienter le jeu vers de la coopération et pas de la compétition.
Activités à éviter : paint ball, laser-game, épreuves avec un seul trophée à la fin pour l’équipe gagnante, courses, etc.
Jeux de société
En famille ou entre amis, nous pouvons privilégier des jeux de société coopératifs et limiter au maximum les jeux de compétition, notamment ceux incluant des mécanismes de traitrise, de mensonge, de destruction de l’autre : je gagne parce que j’ai réussi à te faire perdre. A la limite, si on veut rester sur des jeux de compétition, on pourra privilégier les jeux où le gagnant a été le plus malin, le plus adroit, a eu la meilleure stratégie, mais qui ne reposeront pas sur des attaques, des vols de ressources, des coups bas. Oui c’est clair, ces derniers sont en général hyper funs et addictifs, c’est bien ça le souci et ça qui conduit à l’état de nos sociétés….
Sports
Aie aie aie… le sport, on touche là à un sujet sensible !
Peu de solutions en réalité dans le sport pour éviter les phénomènes de compétition tant les deux sont liés. L’idée est là de revenir aux fondamentaux du sport comme activité pour être bien dans sa tête et bien dans son corps, et donc privilégier les activités sportives en solo et les défis individuel. Des solutions existent pour continuer de vivre l’exaltation de victoires personnelles.
Quelques idées :
- marche lente ou rapide avec ou sans bâtons, course à pied ou jogging : se fixer un objectif en temps de marche ou en nombre de kilomètres
- cyclisme ou cyclotourisme en dehors de toute compétition : se munir d’une carte de son quartier, de sa région et essayer d’en parcourir toutes les rues, tous les sentiers
- natation : se fixer un nombre de longueurs à faire qui soit challengeant et motivant pour soi
- etc.
Et les sports collectifs dans tout ça ?
Nous en appelons aux spécialistes : quels jeux collectifs suggérer qui ne reposent pas sur la défaite de l’une des équipes ? De quoi enrichir un prochain article à part entière
Pour ceux que le sujet intéresse et veulent aller plus loin, découvrez cet article passionnant sur les mécanismes d’interaction dans le cadre des sports et les phénomène d’exclusion et de reproches au sein d’un groupe “si les sports collectifs semblent être des activités potentiellement favorables à la coopération, celle-ci n’est pas forcément mobilisée et développée”
Au travers nos habitudes, repensons nos sociétés !
Et si nous allions plus loin encore : rêvons, construisons un monde où les partis politiques voient au-delà des urnes et de la quête de pouvoir. Construisons un monde où l’objectif n’est pas de battre l’adversaire, mais de résoudre des problèmes communs.
On vous en reparlera plus en détail dans un prochain article, mais pour ceux qui sont impatients, nous vous recommandons vivement de visionner le cours de Pablo Servigne sur la puissance de l’entraide.