Biom’impact est une initiative créée et portée par makesense, spécialiste de l’entrepreneuriat à impact et Ceebios, centre d’études et d’expertises en biomimétisme.
L’édition 2024 s’est tenue à La Réunion durant toute la semaine du 21 au 25 octobre , avec le soutien de La Technopole de la Réunion, la CINOR, l'ADEME La Réunion, Pôle Universitaire d’Innovation PUI Valiotech, l'Université de La Réunion, l’Institut Réunionnais du Biomimétisme et du Campus AFD.
Nous avons passé une semaine très enrichissante et stimulante à la découverte du biomimétisme. Voici les principaux temps forts auxquels nous avons assisté.
22 et 23 octobre : Atelier découverte du biomimétisme
Ces 2 journées ont été animées par Ceebios, l’Institut Réunionnais du Biomimétisme et l’association ARBRE.
Voici quel était le programme de chaque journée :
- Une visite inspirante du jardin botanique par le prisme du biomimétisme pour appréhender la posture des biomiméticien·nes, s’immerger dans la biologie et s’exercer à porter un regard fonctionnel sur le vivant afin de s’en inspirer dans différents champs d’application
- Une conférence pour présenter le biomimétisme, les différentes approches associées et des exemples de projets
- Un atelier de mise en pratique de la conception biomimétique sur la thématique de la gestion de l’eau :
- Présentation du processus de conception biomimétique permettant de répondre à une problématique technique
- Mise en pratique du processus sur une thématique par les participant·es réparti·es en petits groupes
24 octobre (matinée) : Formation des mentors du Créathon
Cette matinée animée par makesense et Ceebios était l’occasion de briefer les mentors en préparation de la journée Créathon du lendemain.
Nous nous sommes davantage familiarisés avec le processus de conception biomimétique expérimenté lors de la formation de manière à pouvoir accompagner les participants du Créathon.
24 octobre (soirée) : Conférence publique sur le thème “Comment s’inspirer du vivant pour construire une résilience locale ?”
La conférence a pris la forme d’une table ronde entre des porteurs de projets et acteurs engagés de la Réunion :
- Chloé Meriel - Responsable du projet Vegetali porté par ARBRE
- Maëva Gaboriau - Responsable de développement Océan Indien de Solicaz
- Romain Dambreville - Associé gérant de Permakiltir
- Benoit Dumortier - Directeur de l’innovation chez Greenskin
25 octobre : Créathon “Une journée pour agir sur des défis du territoire”
Le Créathon (déclinaison d’un hackathon) a été une journée d’intelligence collective, intense et créative pour découvrir le biomimétisme et penser des solutions concrètes en s’inspirant des procédés du vivant.
Les équipes, principalement constituées d’étudiants, ont travaillé sur les thématiques suivantes, pour lesquelles quelques éléments de contexte ont été apportés :
- Comment améliorer la gestion des espèces exotiques envahissantes (EEE) à La Réunion ?
- Comment repenser et développer la mobilité douce à La Réunion ?
Les équipes ont présenté leur solution inspirée du vivant aux membres du jury lors de la session publique de pitchs en fin de journée :
- Nathalie Becker - Museum National d'Histoire Naturelle
- Guillaume Hoareau - SCIC Alvéoles
Voici les projets qui ont été présentés par les équipes :
- Mob Coeur : La solution consiste à créer des sas pour réguler la circulation des véhicules à la manière du cœur qui envoie du sang dans les veines par à-coups plutôt qu'en continue.
- Flower Blokeur : Le longose est une plante parmi les 100 EEE plus envahissantes. La solution se présente sous la forme de gouttes pulvérisées sur les feuilles qui filtre certaines longueur d’onde du soleil, ce qui inhibe le processus de floraison et donc de reproduction du longose. La solution s’inspire d’une plante qui est capable de booster sa floraison suite à un signal extérieur.
- Beaver Mesh : La laitue d'eau envahit l’Étang Saint-Paul. La solution, inspirée par les barrages des castors, est un filet de surface conçu en oxalate de calcium fabriqué a partir de laitue d'eau revalorisée. En plaçant plusieurs filets en quinconce tout au long du cours d’eau, les laitues s’agglomèrent au niveau des berges ce qui en facilite leur récolte. L’objectif est de ne pas chercher à l’éradiquer, mais de la maîtriser afin de continuer à profiter de ses services rendus : filtrage, purification et oxygénation de l'eau.
Alors, c'est quoi le biomimétisme ?
Voici quelques éléments (non exhaustifs) que nous avons retenu à propos du biomimétisme :
- On peut s'inspirer du vivant au travers de 4 prismes : les formes, les matériaux, les processus, les interactions
- La nature na pas d'intention ni d'objectif, la biodiversité est due à des mutations fortuites adaptées à l'environnement
- Attention au vocabulaire :
- Bio-inspiration = processus créatif qui puise son inspiration dans le vivant (exemples : chaise en forme de flamand rose, stade de foot en forme de nid d’oiseau)
- Biomimétique = processus normé de conception entre biologie et technologie
- Biomimétisme = philosophie qui prend la nature comme modèle pour des enjeux de développement durable
- Il existe deux approches normées :
- L’approche orientée solution, aussi appelée biology-push : s’inspirer d’un modèle biologique effectuant une fonction d’intérêt à transposer dans le domaine technologique (exemple du velcro)
- L’approche orientée problème, aussi appelée technology-pull : identifier un problème à résoudre et déterminer un système biologique à considérer comme source d'inspiration pour le résoudre. Le “processus de conception biomimétique unifié” permet cela. C’est la méthodologie que nous avons utilisé lors de l’atelier découverte et lors du Créathon.
⇒ La biomimétique et la permaculture sont des formes de biomimétisme
Quelles sont les limites du biomimétisme ?
Cette semaine nous a permis de découvrir une approche extrêmement intéressante et pertinente pour trouver des solutions inspirées du vivant ET respectueuse du vivant.
« On aime ce qui nous a émerveillé, et on protège ce que l'on aime » - Jacques Cousteau
L’un des grands atouts de cette démarche, c’est qu’elle amène les concepteurs à s’intéresser à la nature, à mieux la connaitre et à s’émerveiller devant elle. À défaut d’en tirer une solution révolutionnaire, on aura appris à aimer la nature pour mieux la protéger.
Cela étant dit, nous avons identifié 3 points de vigilance à garder en tête en appliquant le biomimétisme :
- prendre le temps de bien poser le problème
- remettre en question la solution, bien qu’elle soit inspirée du vivant
- répondre à de réels problèmes, plutôt que chercher à innover
Bien poser le problème
« Si j'avais une heure pour résoudre un problème dont ma vie dépendait, je passerais les 55 premières minutes à chercher la meilleure question à me poser, et lorsque je l'aurais trouvée, il me suffirait de 5 minutes pour y répondre. » - Albert Einstein
Le biomimétisme consiste à interroger le vivant pour trouver des solutions. Mais encore faut-il lui poser la bonne question !
Il est donc nécessaire de passer un temps considérable, en amont de la recherche de solutions, à creuser le problème, à le comprendre, à le décortiquer et à le retourner dans tous les sens pour être sûr de poser la bonne question.
Cette mise en garde est valable en amont de toute méthode de recherche de solutions, mais il est important de le rappeler ici, pour ne pas qu’on s’imagine qu’il suffit de demander à la nature pour avoir les bonnes réponses.
Critiquer une solution inspirée du vivant
Le biomimétisme ne doit pas être considéré pour autre chose que ce qu’il est : un processus de créativité.
Le plus grand drame serait de penser qu’il s’agit d’une méthode universelle qui résoudra tous nos problèmes. Ou encore de penser que toute solution biomimétique serait forcément “bonne”.
En effet, une solution “non biomimétique” peut très bien faire l’affaire pour résoudre un problème donné. Et inversement, une solution biomimétique peut se révéler catastrophique sur le plan environnemental ou social par exemple.
Rappelons que le nazisme est en quelque sorte une politique biomimétique (pour la faire courte : Darwin > Loi du plus fort > Eugénisme > Nazisme). On est d’accord, Hitler n’a certainement pas appliqué la processus de biomimétique unifié, mais nous voyons ici un risque énorme à laisser penser qu’une solution est forcément bonne en tout point, simplement parce qu’elle est fondée sur le vivant.
Dans un autre genre, il faut savoir que la plupart des araignées pratiquent le cannibalisme sexuel : la femelle dévore son partenaire pendant ou après l’acte de copulation. Serait-ce alors une bonne idée d’adopter cette pratique nous aussi ? 🕷️
C’est pourquoi toute solution, qu’elle soit fondée ou non sur le vivant, doit nécessairement passer d’autres filtres avant d’être mise en œuvre : cadre éthique, mesure d’impact social, sociétal, environnemental, etc.
Vers une démarche biomimétique de l’innovation
L’innovation est une finalité de la biomimétique. Nous en avons souvent parlé durant cette semaine, notamment au travers de la présence de la Technopole de La Réunion et du PUI Valiotech comme partenaires de l’événement.
Nous attirons cependant l’attention sur le fait que l’innovation, elle, ne doit pas être vue comme une finalité, mais comme un moyen. Innover pour innover n’a aucun sens, aucun intérêt.
Dans la nature, l’innovation n’est pas la norme mais plutôt l’exception. La stratégie gagnante du vivant est de faire exactement la même chose que son ou ses parents, qui eux, ont réussi à se reproduire. L’innovation est la résultante d’un processus d’adaptation du vivant à son écosystème.
Par exemple, une plante endémique n’est pas devenu endémique parce qu’elle a décidé d’innover pour faire plaisir à son ego et se démarquer des autres (le fameux “élément différenciant” de l’innovation). Elle est devenue endémique (elle a innové) parce qu’elle s’est adaptée aux spécificités de son écosystème qui est unique.
Une démarche d’innovation biomimétique serait donc de ne pas chercher intentionnellement à innover, mais plutôt de chercher à répondre à de réels besoins en restant toujours à l’écoute de son écosystème, ce qui amènera inexorablement à des innovations.
Et si, dans nos sociétés, l’innovation n’était plus une quête mais le résultat fortuit d’un processus basé sur l’écoute empathique de toutes les parties prenantes (humaines et non humaines) ?
À nous de jouer maintenant
Notre posture lors de cette semaine a été de nous imprégner du sujet (le biomimétisme) et surtout de la méthodologie conçue par makesense et Ceebios dans le but de pouvoir la répliquer localement.
Nous avons désormais à cœur d’essaimer cette approche, de vulgariser les concepts et d’accompagner le passage à l’action auprès des décideurs locaux : institutions et administrations publiques, entreprises, associations…
Vous vous sentez concerné·e·s et vous souhaitez vous approprier le sujet du biomimétisme par la mise en place de conférences, d’ateliers ou d’un hackathon ? Vous savez quoi faire 😉
🪶 Auteur : Mathieu Fontaine
📸 Crédits photos : Violette de makesense & Alexandre du Campus AFD